"le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari * * *
Ce qui frape le plus quand on commence de lire ce livre, c'est l'écriture : "somptueuse..." d'après la quatrième de couverture, c'est tout à fait le mot ! Avec de grandes phrases, amples et longues ; un vocabulaire riche et précis ; une langue magnifique ! Par contre, l'histoire est un peu terne: c'est celle de Marcel Antonetti, dont la vie court sur un siècle environ, et celle de deux amis d'enfance, le petit-fils de Marcel, Matthieu, et Libero. Ils ont fait leurs études à Paris, mémoire de master sur Augustin pour Libero, sur Leibnitz pour Matthieu ; ils reviennent en Corse, dans leur village d'origine où ils reprennent la direction du bar local, avec beaucoup de succès au départ. Mais "ce que l'homme fait, l'homme le détruit"... et seule Aurélie, la soeur de Matthieu a un minimum de clairvoyance sur ce qui peut arriver. Au milieu du récit, de temps en temps un chapitre revient sur la vie triste et pleine de désillusions de Marcel, le seul de sa fratrie à avoir fait des études et qui fut fonctionnaire dans les colonies africaines. On a donc ici un "petit temps", celui du bar ; un temps plus long, le siècle de Marcel, guerre et fin des colonies ; et le temps d'une civilisation, celle de Rome avec le sermon de Saint Augustin pour consoler les chrétiens de la chute de la ville et leur rappeler que l'homme ne bâtit que sur du sable alors que nos âmes et l'amour de Dieu, eux ne passeront pas.
Premières phrases : "Comme témoignage des origines - comme témoignage de la fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer l'énigme de l'absence. On y voit ses cinq frères et soeurs poser avec sa mère. Autour d'eux, tout est d'un blanc laiteux, on ne distingue ni sol ni murs, et ils semblent flotter comme des spectres dans la brume étrange qui va bientôt les engloutir et les effacer."