"Sombre dimanche" de Alice Zeniter * * * *

Ce livre est très beau, mais dégage de la tristesse, à l'image de la vie - avec aussi de très bons moments - dans les ex-pays du bloc de l'Est. C'est essentiellement l'histoire du jeune Imre Mandy ; il vit dans une drôle de maison en bois encerclée par des rails de chemin de fer, non loin d'une gare de Budapest, avec son grand-père paternel, prénommé Imre lui-aussi, son père Pal, sa mère Ildiko et sa soeur Agnès. Le récit s'ouvre sur les cris et le chant lugubre du grand-père qui se saoule une fois l'an, le 2 mai (on saura pourquoi à la fin ; c'est aussi l'anniversaire de l'ouverture officielle du rideau de fer en Hongrie en 1989). Imre enfant essaie de comprendre le monde des adultes et celui de la gare où ses parents travaillent. Il a un seul ami : Zsolt, cultivé et imaginatif ; il admire sa grande soeur, adore sa mère et son enfance passe entre la maison dans les rails et l'école, dans une Hongrie au communisme étouffant. On suit donc sur plusieurs générations la famille Mandy et l'histoire de son pays ; mais si les évènements retentissent forcément sur la vie familiale, il y aura finalement peu de changements dans l'existence de ces personnages tourmentés. A. Zeniter aborde plusieurs thèmes : l'Histoire et ses violences, les secrets de famille, l'amour, l'amitié ; elle a écrit un texte magnifique et passionnant.

Premières phrases : "Sombre dimanche, Les bras chargés de fleurs blanches, Un dimanche matin, poursuivant mes chimères, La charette de ma tristesse est revenue sans toi... Imre pouvait entendre la voix du grand-père lui parvenir depuis l'extrême pointe du jardin triangulaire. Il n'avait pas besoin d'écouter la manière dont les consonnes disparaissaient dans le chant pâteux pour savoir que le vieil homme était ivre. Il beuglait la chanson avec une férocité peu commune."