"Americanah" de Chimamanda Ngozi Adichie * * * * * (Ed. Gallimard, 2015)

Americanah, c'est essentiellement l'histoire d'une femme, d'origine nigérianne, nommée Ifemelu ; au début du livre, elle vit à Princeton (USA) et se rend chez la coiffeuse, une faiseuse de tresses. Il faut dire que c'est toute une affaire ces cheveux crépus, trop secs, et régulièrement dans le livre, on retournera au salon de coiffure où, comme chacun sait, on apprend plein de choses.
C'est aussi l'histoire de son ancien petit ami, Obinze, qu'Ifumelu appelle "ciel". Lui qui rêve de l'Amérique depuis toujours vit à Lagos (Nigéria), a "bien réussi",  est marié avec Kosi qui a une peau si claire qu'on la prend, pour son plus grand plaisir pour une métis, et a une petite fille. "... il avait l'impression d'être surchargé par tout ce qu'il avait acquis - la famille, les maisons, les voitures, les compte en banque - et était pris, de temps en temps, de l'envie de crever cette bulle avec une épingle, de tout faire dégonfler, pour être libre. Il ne savait plus avec certitude, il ne l'avait jamais su en réalité, s'il aimait vraiment cette existence ou s'il l'aimait parce qu'il était censé l'aimer." C'est un des grands charmes de ce livre : l'analyse détaillée et fine de l'existence des personnes qui gravitent autour d'Ifemelu.
Impossible de faire un résumé de ce gros ouvrage, il serait certainement incomplet : une petite fille au Nigéria, avec sa famille et ses amies ; une jeune fille intelligente, ambitieuse qui part aux USA parce qu'elle en a l'opportunité et que les professeurs des universités sont perpetuellement en grève dans son pays ; une femme qui découvre en Amérique un certain "racisme" par exemple chez le coiffeur, justement :
"Elle reconnaissait chez elle (elle = Kelsey, une jeune américaine blanche venue se faire tresser les cheveux) le nationalisme des Américains libéraux qui critiquaient copieusement l'Amérique mais n'aimaient pas que vous en fassiez autant ; ils s'attendaient à ce que vous gardiez le silence, soyez reconnaissant, et vous rappelaient en permanence à quel point l'Amérique était supérieure à l'endroit, quel qu'il soit, d'où vous veniez."
Ifemelu est aussi la jeune tante d'un garçon mal dans sa peau, une amoureuse d'hommes noirs ou blancs mais gardant le souvenir d'Obinze, une "supporter" inconditionnelle de B. Obama pendant sa course à la Maison Blanche et surtout, la blogueuse très suivie qui raconte les (més)aventures et observations quotidiennes d'une Noire non américaine (dont celles du salon de coiffure).
De retour au Nigéria, après avoir été quelques temps rédactrice dans un magazine, elle fait ce qu'elle sait faire, c'est à dire créer à nouveau un blog qui raconte - et critique - les "retours au pays", ceux et celles qui reviennent au Nigéria, auréolés de gloire occidentale.
Mais quinze ans plus tard, Obinze et Ifemelu vont-ils pouvoir se retrouver ? Leur amour existe-t-il toujours ?
Ifemelu est un magnifique personnage féminin, au caractère entier, fort et déterminé ; nul doute que l'auteure, avec sa belle écriture et son regard acéré se retrouve un peu en elle.
Un très beau livre, à la fois grave et drôle, passionnant et qui fait réfléchir sur les sociétés humaines et nos travers...

Premières phrases : "Princeton, en été, n'avait pas d'odeur, et si Ifemelu appréciait le calme verdoyant de ses nombreux arbres, ses rues propres et ses majestueuses maisons, ses magasins aux prix subtilement exagérés et son air tranquille, immuable de grâce méritée, c'était cette absence d'odeur qui la séduisait le plus, peut être parce que les villes américaines qu'elle connaissait dégageaient toutes des effluves caractéristiques. Philadelphie exhalait le parfum suranné du passé. New Haven sentait l'abandon. Baltimore l'océan, et Brooklyn les ordures pourrissant au soleil. Mais Princeton n'avait pas d'odeur."

Comments

[Le Papou]

Je suis en train de le déguster par petites bouchées.

Le Papou

[Nikole G]

Mon coup de coeur de l'année, pour le moment !

[Marie-Claude]

Ton billet, au demeurant fort convaincant, me rappelle un très agréable moment de lecture. J'ai beaucoup aimé aussi.