"Nous dînerons en français" de Albena Dimitrova * * * * (Ed. Galaade, 2015)
Ce récit, c'est d'abord une écriture ; l'auteure, d'origine bulgare, dit : " J'écris en français des histoires vécues en bulgare. J'en ai gardé l'accent." Une façon d'écrire très originale, agréable à lire et en effet avec une "pointe d'accent", un petit décalage par moment avec le français classique.
Ensuite, c'est une atmosphère, originale elle aussi, celle de Sophia et de la campagne alentour, jusqu'à la mer Noire, à l'époque qui précède de peu la chute du mur de Berlin.
Enfin, c'est une magnifique histoire d'amour entre une très jeune fille et un homme mûr, essouflé comme le communisme de son pays ; un amour véritable, un amour fou, un amour profond.
Guéo, apparatchick bulgare de cinquante cinq ans, muni d'une épouse et d'une maîtresse officielle, rencontre la narratrice qu'il appelle Alba, dans un hôpital : elle a un problème de paralysie d'une jambe, lui est épuisé, dépression et électrochocs... Très vite il s'intéresse à elle, très vite ils ne peuvent plus vivre l'un sans l'autre ; ils essaieront pourtant, mais sans succès.
Et Guéo ne livrera pas le rapport qu'il doit écrire pour relancer le communisme ; et il ira un peu trop loin dans son histoire avec Alba...
Un livre très humain, une critique du communisme à travers ce que disent les hommes qui lui ont consacré leurs forces et leur vie ; et le récit d'une passion très bien racontée. Un superbe premier roman.
Premières phrases : " Dès qu'on s'éclipsait avec Guéo, notre vigilance se réduisait, et de jour en jour classait autrement l'ordre des repères. L'ombre passait au falot de l'apparent, le souterrain devenait terre. Tout était clair, transparent, il n'y avait rien à surveiller, et ce rien à surveiller appelait toutes les surveillances. Les servivces secrets guettaient. Les Russes, dépêchés par sa femme, la gentille fille du général en chef des forces de terre de l'Union soviétique, les Syriens, les Yéménites, ses collègues du politburo et, bientôt, même les amis, les réformateurs."