"Les bottes suédoises" de Henning Mankell * * * * (Ed. Seuil ; 2016)
Lu d'une traite, celui-ci ! On retrouve avec grand plaisir Fredrick, le héros bougon, morose et quelque peu désabusé qui nous avait plu dans les chaussures italiennes ; cette suite très réussie - et dernier roman d'Henning Mankell - commence par l'incendie de la maison de Fredrik sur son île de la Baltique ; une nuit, réveillé par la lumière et la chaleur, il n'a que le temps de se sauver et la maison héritée de ses grands-parents est réduite en cendres. Que va-t-il devenir maintenant ? Il se sent vieux et las ; si seulement sa fille lui disait ce qu'elle compte faire ! Celle-ci réapparaît, toujours avec une attitude qu'il ne comprend pas ; que veut-elle exactement ? Mais elle a une grande nouvelle à lui annoncer avant de partir précipitamment et sans prévenir comme d'habitude. Quand elle l'appelle au secours depuis Paris, il se précipite à son aide...
En même temps, il essaie de vivre ce qui, pour lui, pourrait être sa dernière histoire d'amour ; mais elle va cahin-caha sa relation avec Lisa, la journaliste de la presse locale venue l'interviewer après l'incendie ; il y a aussi dans son entourage Jansson le facteur en retraite de l'archipel, Veronika qui tient le café du village de la côte et Alexandersson le policier, sans compter les habitants des autres îles plus ou moins éloignées.
Récit en partie policier, ponctué d'incendies : des maisons brûlent et personne ne sait qui est le pyromane ; le narrateur se fera assez vite une idée, mais il respectera le secret du fautif. Toujours torturé de remords d'avoir fait perdre un bras à une jeune patiente, cet ancien chirurgien réfugié sur son île se débat avec des sentiments contradictoires et des inquiétudes très humaines.
Portrait superbe, tendre et attachant d'un homme vieillissant, de ses rapports compliqués avec sa fille connue tardivement, de ses amitiés, de sa solitude aussi. Quand on perd tout, où trouver la force de reconstruire ?
Magnifique !
Extrait : " La première neige est tombée dans la nuit du 2 novembre. Au réveil, quand je suis sorti, nu, de la caravane pour aller me tremper dans la mer, il n'y avait aucun vent. La nature retenait son souffle. Mes pieds ont laissé une empreinte sur la blancheur. Je suis descendu en m'aidant de l'échelle de bain et j'ai compté jusqu'à dix, la tête sous l'eau. Le froid me mordait la peau. En remontant sur le ponton, je tremblais de tout mon corps. Mais je ne renoncerais pas à mes bains, quelque soit l'épaisseur de la glace que j'aurais à découper avant de pouvoir m'immerger." (p 288)