"Bondrée" de Andrée A. Michaud * * * * (Ed. Québec Amérique ; 2014)
Prix littéraires du Gouverneur Général 2014
Première impression : très belle écriture, soignée, évocatrice, poétique souvent, avec cette petite distance que crée le québecois ; une auteure qui aime les mots.
Bondrée, à la limite du Québec et du Maine, est un lieu de vacances, de détente et de repos, avec un grand lac, une végétation abondante, une belle forêt ; c'est un endroit idyllique ou se retrouvent l'été familles canadiennes et américaines.
Dans le temps, un trappeur s'était réfugié là, avait construit sa cabane et posé des pièges puis s'était pendu à la suite d'une histoire d'amour malheureuse.
Et pourtant, cet été-là, l'été de "Lucy in the sky with diamonds" (1967), un été particulièrement chaud, une jeune fille Zaza Mulligan, un peu olé-olé, meurt prise dans un piège à ours ; Stan Michaud enquête, il sent quelque chose mais n'a aucune preuve que ce ne soit pas qu'un accident. Quand il arrive malheur à la grande amie de Zaza, Sissy Morgan, alors tous savent qu'un tueur rôde...
Ce qui est particulièrement bien décrit dans ce récit où environ un chapitre sur deux donne la parole à la jeune Andrée 12 ans, l'autre racontant la progression de l'enquête, c'est le ressenti, et le comportement qui s'en suit, des différents protagonistes : la souffrance des proches, la colère des pères, des frères, de tous les hommes qui voient ces belles filles, presqu'encore des enfants, mortes et abimées ; le témoignage de la petite Andrée qui voit tout avec ses yeux d'enfant mais qui grandit en une saison ; la fatigue et la colère de l'enquêteur Stanley Michaud dont ce sera la dernière investigation...
Roman d'atmosphère, thriller atypique, un livre prenant, agréable à lire, qui nous plonge dans une histoire originale, dépaysante ; à lire pour connaître un autre exemple du foisonnement de talents québecois !
Extrait : "Il se trouvait seul au milieu d'un champ, près d'un pommier aux branches lourdes, entouré de foin doré, et cette image constituait ce qu'il connaissait de plus vrai et de plus parfait. Rien ne pouvait être retranché ni ajouté à ce moment. Tout était là : la solitude, le silence, l'odeur du foin et des pommes, la teinte voilée du jour, se conjugant au sentiment d'une liberté ne tenant pas à la faculté de mouvement dont il jouissait ni à l'infini s'ouvrant au-delà du champ, mais à cette fusion parfaite avec le temps, à cette apaisante compréhension du lieu, à cette intelligence du moment que rien, aucun malheur ni aucune entrave, ne pourrait lui enlever. Si on lui avait demandé qui il était ou en quoi consistait son idéal, il lui aurait fallu décrire cette scène dont la brièveté exprimait la possible beauté du monde." (p 105)