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Les 2 bouquineuses ont aimé
4 janvier 2018

"La salle de bal" de Anna Hope * * * * (Ed. Gallimard ; 2017)

51kdbk9xXmLMais qu'a-t'elle donc fait, cette pauvre Ella, pour être mise en prison ?
En fait la jeune ouvrière de la filature n'est pas emprisonnée mais internée à l'asile de Sharston (Yorkshire), un grand ensemble pour aliénés indigents. Ce qu'elle a fait : briser une vitre pour voir le ciel et respirer un peu d'air frais ; les fenêtres de l'usine sont constamment fermées et Ella qui travaille depuis l'âge de huit ans a toujours les yeux rouges et gonflés par les peluches qui volent et a du mal à respirer l'odeur écoeurante de la laine.

Nous sommes en Angleterre, en 1911, une époque où Churchill est premier ministre et où la psychiatrie n'est pas très avancée ; à la moindre incartade c'est la camisole, et pour les anorexiques l'alimentation forcée au "tube". Un projet de loi est en préparation pour "le contrôle des faibles d'esprit". C'est une époque où l'on parle d' "homme supérieur" et d' "homme inférieur" et nombreux sont ceux qui pensent que la pauvreté est héréditaire et que si les pauvres ne se reproduisaient pas, il n'y en aurait plus (!). De là à penser stérilisation des "inaptes", il n'y a qu'un pas...

A Sharston, le docteur Charles Fuller suit un certain nombre de patients ; c'est un jeune médecin très musicien qui pense - au début de sa carrière - que Mozart et Bach peuvent venir en aide aux épileptiques et aux mélancoliques. Il s'apprête d'ailleurs à faire une allocution au prochain congrès, au sujet d'une amélioration possible de l'état des patients grâce à la musique. Il fait également partie de la Société d'éducation eugénique, dont le but avoué est d'empêcher "la décadence de la Nation" et d'assurer "la préservation de la race".

Un jour, Ella veut s'enfuir ; elle court très vite mais rencontre John, un autre patient, sur son chemin.

Le roman raconte trois histoires en parallèle, trois histoires qui se complètent : celles de Charles, d'Ella et de John. Sharston est un lieu immense, il y a environ mille hommes et mille femmes présents en cet endroit autosuffisant grâce aux cultures et à l'élevage réalisés sur place. Et... il y a une salle de bal, où des patients, triés et encadrés, vont se rencontrer et danser le vendredi soir. Ella et John se retrouveront pendant un certain temps dans cette immense salle qui les aide à reconquérir une vie fort abimée.
Ils vont s'apprivoiser, parler de la Nature qu'ils aiment et à laquelle ils sont très sensibles ; John enverra quelques lettres, mais il ne sait pas qu'Ella n'a pas vraiment appris à lire...

C'est une très belle histoire qui ne se déroule pas de façon attendue, un récit bien mené et bien écrit, et un témoignage passionnant sur une époque révolue. C'est un livre qui remue un peu le lecteur, mais qui n'est pas triste ; c'est au contraire un récit plein de beauté et d'espoir.

Extrait (p 51) : " Elle était là. Les bras attachés dans le dos. Avec pour seules affaires les vêtements qu'elle portait. Il y avait une chambre dans une maison d'une rue de Bradford, où un lit étroit faisait face à une fenêtre surplombant une cour ; il y avait des vêtements de rechange là-bas, dans cette chambre où elle dormait depuis son enfance et qui pourtant ne représentait rien pour elle. Elle sentit alors une puissance monter. Le même sentiment qu'elle avait eu à la filature, sauf qu'à présent il prenait racine, lui redressait l'échine. Il faisait noir, elle était seule, mais son sang circulait : elle était vivante. Elle allait l'étudier, cet endroit, cet asile. Se cacher au plus profond d'elle-même. Faire mine d'être sage. Et ensuite elle s'évaderait. Pour de bon cette fois..."

 

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Commentaires
C
Ben oui, c'est un bon bouquin !
Répondre
B
Eh bien, voilà qui donne envie !
Répondre
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