"L'homme qui n'aimait plus les chats" de Isabelle Aupy * * * * (Ed. du Panseur ; 2019)

C'est un vieil homme qui raconte : alors au départ il y a une île, qui accueille - d'après le narrateur - des réfugiés ; des réfugiés d'où ? du continent bien sûr. C'est une petite île où tout le monde se connaît : il y a le curé qui fait de superbes homélies et lève assez facilement le coude, le gardien du phare qui n'en sort jamais on comprendra pourquoi, le poète joueur de violon d'origine tchèque, la commère, le cuisinier-restaurateur, etc. Tous s'aiment plutôt bien et s'entraident avec plaisir.

Sur cette île, il n'y a pas que des humains, il y a aussi des chats "Des domestiqués, des pantouflards et des errants... des qui viennent toujours quand on les appelle, des qui s'échappent la nuit pour funambuler sur les toits, d'autres qui rentrent au contraire pour se blottir contre soi." (p 11)

Un jour, les chats ont disparu, plus de chat ! Étonnement, questionnements... Finalement le jeune professeur est dépêché sur le continent pour parler des chats ; mais il ne revient pas avec eux ! "il nous avait ramené un costume neuf et une femme de l'administration." (p26)
Et là, c'est le début de la catastrophe ; cette femme dit aux îliens qu'elle comprend qu'ils ont besoin de leurs chats et qu'elle et ses partenaires vont tout mettre en oeuvre pour trouver une solution. Mais les habitants ont-ils vraiment besoin des chats ? Ou ont-ils envie d'avoir des chats ? " Elle, elle disait que si, qu'on en avait besoin. Elle a même beaucoup insisté dessus. "C'est normal, vous avez besoin de vos chats". Et nous, on l'a crue, parce qu'ils nous manquaient tellement qu'on ne voyait pas la différence entre envie et besoin, entre ce plaisir inutile et pourtant nécessaire, ce petit truc qui fait vivre, et ce qui nous est indispensable pour survivre comme manger ou boire." (p 27)

A partir de là, et de cette réponse mal adaptée (une femme et des agents qui parlent "le convaincu") suivie d'une solution encore plus inadéquate (leur faire prendre des chiens pour des chats...), tout va mal sur la petite île. Et il faudra se révolter, être ingénieux, et accepter de laisser passer du temps pour retrouver calme et joie de vivre.
Le lecteur, lui, comprend vite qu'il s'agit d'une fable, d'un conte sur la recherche du bonheur, la soumission parfois quand on n'est pas sûr de soi, l'importance des livres.

Des phrases superbes sur l'amitié, les liens familiaux, la révolte, le deuil,... sur ce qui est vraiment important dans la vie ; sans jamais être bêbête ou moraliste, ce texte souvent humoristique nous rappelle les vraies valeurs de l'existence, et que les choses et les êtres ont des noms qui leur sont propres, on ne peut pas confondre les chats et les chiens !

Premier roman d'Isabelle Aupy et première édition d'une nouvelle maison, un court roman assez intense et très marquant ; une auteure à suivre.