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29 juillet 2020

"La nuit, j'écrirai des soleils" de Boris Cyrulnik * * * * (Ed. Odile Jacob ; 2019)

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Il y a toujours une attente importante quand on commence un livre de Boris Cyrulnik, celle de propos qui nous aideraient à comprendre la vie et ses multiples composantes, et à savoir mieux exister au quotidien...

Dans "La nuit, j'écrirai des soleils", Boris Cyrulnik fait le lien entre l'art, la littérature surtout et les blessures des artistes et écrivain.e.s ; appuyant son raisonnement sur des orphelins précoces, de père, de mère, ou des deux parents, comme Jean Genet qu'il cite beaucoup, Romain Gary, Jean-Paul Sartre, et bien d'autres, il parle d'enfants sans famille qui réagissent de bien diverses façons alors qu'ils sont dans des situations comparables, et Boris Cyrulnik se dit très intrigué par ces observations.
Il s'appuie également sur des comparaisons avec sa propre histoire et décortique ses réactions et ce qui l'a sauvé :
J'étais dans l'impossibilité d'en parler : pendant la guerre on m'avait dit que j'allais mourir si je parlais. À la libération on ne m'a pas cru, on m'a fait taire, on m'a expliqué que mes parents avaient dû commettre de grands crimes pour subir de telles souffrances et, même, on a ri de mon trauma. Puisque je ne pouvais pas avoir de paroles partagées, je me suis adapté par une sorte de clivage..." (p 142)

Ce que les lecteurs retrouvent dans leurs livres, ce sont les situations tragiques : carences affectives, violences, guerres, vécues par les auteurs : le travail d'écriture aide l'écrivain à métamorphoser sa souffrance, à la réaliser, et a sans doute aussi une fonction d'apaisement. D'autres écrivains comme Cocteau, Fernando Pessoa, Appolinaire n'ont pas vraiment su ce qui leur avait manqué : au lieu de savoir profiter des mille plaisirs de la vie, ils sont imprégnés de tristesse... c'est là que Boris Cyrulnik cite les neurosciences et ce qu'elles apportent comme connaissances permettant la compréhension de ces phénomènes, en particulier les connexions neuronales entre différentes aires cérébrales, de l'anticipation, de la mémoire, des émotions.

Beaucoup d'exemples illustrent les propos et les mots utilisés sont toujours très justes ; Georges Perec par exemple qui, à huit ans, quand il comprend que ses parents sont morts et ne reviendront pas (famille juive disparue), décide de devenir écrivain pour fabriquer avec des mots une sépulture pour ses parents disparus. " Il écrit La disparition où l'on met longtemps à découvrir que ce qui a disparu, c'est la voyelle "e" qui désigne "eux, mes parents disparus". (p 38)

Grâce à sa grande culture qui n'est pas que scientifique mais aussi littéraire et artistique, Boris Cyrulnik trace une grande fresque montrant la transformation possible du malheur en oeuvre d'art ; pas de guérison totale, mais le monde retrouve un sens quand il est passé, expliqué par la peinture ou la littérature...
Un livre très riche, passionnant et très intelligent, indispensable !

" Les orphelins, privés de modèles réels, doivent affronter un choix catégorique : survivre dans le néant ou combler le vide en s'identifiant à des modèles imaginaires... La nature et le psychisme ont horreur du vide. Pour combler un manque, rien de tel que la rêverie. On a beau savoir que ce n'est pas pour de bon, on se plaît dans ce refuge, on se paie des rêves, on éprouve d'intenses sentiments amoureux, de délicieux désespoirs, de merveilleuses haines dont on ne souffre pas vraiment puisque ce n'est que le cinéma de soi." (p 280, 281)

 

 

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