"Blanc" de Sylvain Tesson * * * * * (Ed. Gallimard ; 2022)

Gros coup de coeur dès les premières pages pour le nouveau Tesson ; avec l'âge, il gagne en bonheur de lecture !

Toujours un grand sens de la formule, des fulgurences jouissives, des références historiques, des clins d'oeil artistiques ; mais formules, clins d'oeil et fulgurances ne suffisent sans doute pas... Il faut qu'elles conviennent au lecteur / à la lectrice, qu'elles résonnent chez lui ou chez elle, sinon, elles tombent sans doute à plat. Mais pour qui met ses pas dans ceux de cet écrivain doué, sincère, intelligent et cultivé, c'est le bonheur assuré !

J'avais envie de noter chaque phrase en la lisant et en la relisant, me disant comme c'est drôle, ou comme c'est juste... Comment fait-il pour mettre en mot tous les sentiments, les sensations, les ressentis de la vie ?
Et tout cela sans se prendre au sérieux... Comme j'aurais aimé, plus jeune et plus sportive, partir faire de la montagne avec le duo improbable qu'il forme avec le guide Daniel du Lac. Un autre camarade de neige les rejoint régulièrement, Philippe Rémoville, mais lui a "une vie de grande personne" il doit régulièrement retrouver famille et travail.

Pendant quatre ans, à raison de quelques semaines par an, les deux hommes - parfois trois - arpentèrent, gravirent, skièrent, s'encordèrent, glissèrent et parfois firent demi-tour ; de Menton à Trieste, ils s'étaient fixé le défi d'une chevauchée entre deux mers. C'est cette traversée de neige que l'auteur raconte, prenant toujours du recul par rapport aux faits, se moquant de lui-même, respectant plus que tout l'amitié, et la géographie.
Ce texte est un hymne à la liberté (ils ne se sont pas laissés coincés par le virus), à l'amitié, à la culture et au blanc, celui pur et froid de la neige et de la glace : " Le Blanc s'étendait dans l'indifférencié, par delà l'histoire et la géographie. Le Blanc ne constituait pas un milieu naturel, encore moins un paysage, mais une substance. Rapportée au monde abstrait, une substance s'appelle l'universel. Sa traversée s'appelle un rêve.( p 233)

Pour Sylvain Tesson, comme pour Paul Morand, "Ailleurs est un mot plus beau que demain".