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Les 2 bouquineuses ont aimé

5 mai 2024

"Le roi et l'horloger" de Arnaldur Indridason * * * *

Arnaldur Indridason quitte ici le domaine policier pour nous proposer un roman plus historique, plus explicatif des relations Islande - Danemark du passé et plus informatif sur le mode de vie des islandais au 18ème siècle ; mais son dernier livre se lit... comme un roman policier !
Il y a du suspens dans les deux histoires qui se déroulent en parallèle : l'une est celle d'un horloger d'origine islandaise venu se former à Copenhague et qui devient horloger de sa majesté Christian VII, roi du Danemark, l'autre est celle d'un imbroglio familial chez des fermiers islandais.

Jon Sivertsen, l'horloger, avait entendu parler par son maître d'une horloge astronomique extraordinaire, fabriquée par un horloger suisse nommé Habrecht ; cette horloge merveilleuse mais en très mauvais état, Jon va essayer de la réparer. Le roi Christian, que l'on dit alcoolique et fou, va venir régulièrement lui rendre visite, découvrir l'histoire de sa famille et s'intéresser en particulier aux usurpations de paternité qui ont causé bien des tourments et causé la mort de plusieurs de ses membres.
Un chapitre sur deux est consacré à cette famille islandaise et à ses déboires, faisant découvrir aux lectrices et lecteurs des modes de vie très durs, adaptés et au climat très éprouvant causant famines et morts et aux lois sévères édictées par le Danemark dont l'Islande est une colonie.

Il y a de très belles pages sur la paternité, la bienveillance, l'honnêteté ; il y a aussi des passages difficiles sur la cruauté de certains dirigeants ou l'indifférence tout simplement face à certains drames...

Un très beau livre, passionnant et riche !

" Le temps s'était arrêté. Le chef-d'oeuvre façonné à la gloire de Dieu et de la Vierge Marie deux cents ans plus tôt n'avait, de mémoire d'homme, jamais sonné les heures du jour et de la nuit, ni indiqué les phases de la lune ou la course des planètes. Ce butin de guerre acquis lors d'un conflit oublié depuis longtemps reposait sous une épaisse couche de poussière dans une remise du Palais Royal de Christianborg, les monarques et leurs règnes avaient passé sans que le temps reprenne sa course...

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27 avril 2024

"Tempête sur Kinlochleven" de Peter May * * * (Ed. Rouergue Noir ; 2024)

Le dernier livre de Peter May n'a - sans aucun doute - pas la puissance de sa trilogie écossaise ; agréable à lire, intéressant par son côté inventions futuristes, mais un peu faiblard au niveau des personnages... Le flic cabossé par la vie, la légiste belle et veuve, des choses du passé non-digérées et mal comprises, un coupable qui est justement insoupçonnable ; bref ce n'est pas le scénario du siècle.

Sauf qu'il y a tout de même l'écriture de Peter May et un certain nombre de pages vraiment pertinentes sur le changement climatique - même s'il n'est vu que d'un point de vue catastrophique - la relation père - fille, et l'engin qui s'appelle Ève qui transporte les gens de façon originale et le problème de stockage des produits radioactifs ; il y a aussi quelques dialogues assez savoureux et réflexions sur la vie de cet écrivain plus tout jeune...

Premières phrases : " Peu de choses intensifient davantage la conscience de votre propre condition mortelle qu'une confrontation avec la mort. Mais pour l'instant une telle rencontre est la dernière chose à laquelle pense Addie, aussi sera-t-elle prise au dépourvu par la suite des événements.
Elle se sent indécise. Une journée pareille devrait lui remonter le moral. Elle a presque atteint le sommet. Le vent est froid mais le ciel d'un bleu cristallin et, en contre-bas, le soleil d'hiver dépose son or sur le paysage.

20 avril 2024

"Histoire naturelle du silence" de Jerôme Sueur * * * * (Ed. Actes Sud Mondes Sauvages ; 2023)

Bio-acousticien, donc chercheur en écologie et en acoustique, Jérôme Sueur s'est naturellement intéressé au monde du silence ; il défend l'attitude humble et respectueuse de celles et ceux qui souhaitent protéger les paysages sonores, plus ou moins naturellement silencieux, plus ou moins remplis des bruits d'origine humaine, animale ou physique...
Alors, le silence existe-t-il vraiment ?

Après avoir donné quelques éclaircissements sur la nature du son, l'auteur s'intéresse au bruit fait par les hommes (qui n'aiment pas le bruit mais qui aiment faire du bruit...), le bruit anthropique qui bombarde la planète, nous dérange et dérange considérablement la faune sauvage; "les animaux réagissent au bruit par des stratégies d'évitement ou de lutte... plusieurs espèces d'oiseaux démarrent leurs chants du matin un peu plus tôt lorsqu'ils nichent à proximité d'un aéroport... des grillons tropicaux cessent de striduler quand des camions passent" (p 73)

À quel moment sont apparues les communications sonores entre individus ou entre espèces ? Difficile à dire pour les animaux les plus anciens ; sont sans doute apparus en premier des sons dus à des frottements et ce n'est que plus tard sans doute qu'ils sont devenus intentionnels. Grondements des poissons sous l'eau, stridulations d'insectes sur Terre furent sans doute les premières  communications sonores volontaires.

Avec beaucoup d'exemples et d'histoires passionnantes, l'auteur nous fait découvrir tout un monde de sons, de vocalises, de chants... qui s'interrompent brutalement en présence d'un prédateur, pour ne pas être repéré. 
Autre silence repéré par J. Sueur : chez la cigale tomenteuse particulièrement étudiée par l'auteur, le silence peut être amoureux, anxieux ou calculateur...

C'est passionnant, intelligent, instructif, précis, et Jérôme Sueur nous livre là un livre attrayant, bourré d'anecdotes et d'histoires personnelles qui font un ensemble très réussi !

Extrait p 21 : "En quelques traces de raquettes, j'avais perçu l'épaisseur du silence d'un paysage de montagne emprisonné dans la neige. Était-ce donc cela, le silence ? Un instant de solitude et de repos dans une nature habillée de glace et de froid ? Le silence serait-il un calme acoustique où seuls flottent encore quelques flocons sonores - un froissement de plumes, le délitement d'une neige maladroite ? Le silence serait-il une absence de sons et, par là, un manque d'informations venant de l'environnement ?"

19 avril 2024

"Les ombres filantes" de Christian Guay-Poliquin" * * * * (Ed. La Peuplade ; 2021)

"Quelque chose vient de me tirer de mon sommeil. Je refuse d'ouvrir les yeux. Pas encore, pas tout de suite. J'ignore combien de temps j'ai pu dormir adossé à cette vieille souche. Une heure, peut-être deux. À part une corneille qui graille au loin et les feuilles des peupliers qui bruissent dans la brise, la forêt est silencieuse.

L'homme qui parle ainsi marche en forêt depuis dix ou douze jours pour rejoindre sa famille ; quand il entend un véhicule passer ou des gens parler, il se cache. La méfiance, la peur de l'autre est partout ; depuis qu'une panne générale d'électricité a tout désorganisé, chacun survit comme il le peut.

Pour se rendre dans le camp de chasse de sa famille où le narrateur pense que les siens doivent se trouver, il marche, beaucoup, toute la journée, mange des fruits secs et s'oriente à la boussole : la forêt est "dense et vorace" nous dit-il.
Dans la vraie vie, la forêt peut être un refuge, un endroit de paix et de retour à soi, mais ce peut être aussi un territoire sombre, qui inspire la crainte et peut ménager de mauvaises surprises...

C'est sur cette ambiguïté qu'est construit le récit : que va-t-il se passer pendant cette traversée de la forêt ? Qu'est-ce que cet homme va trouver au camp ? Comment vont se passer les retrouvailles avec sa famille ? Aura-t-il une place qui lui convienne parmi ses oncles, tantes, cousins et cousines ?

En forêt, un jour, sans aucune explication, un jeune garçon d'une douzaine d'années, Olio, l'a rejoint, un gamin intéressant mais pas facile et peu obéissant, permettant la création d'un duo type père - fils ; tous les deux vont à la fois s'opposer et se soutenir, s'agacer et s'aimer.
Il y aura la marche et leurs multiples aventures communes, leur arrivée au camp et la réunion avec la famille, l'installation et la vie ensemble ; il faut survivre, cultiver des légumes, chasser et faire du troc viande contre farine, sucre et riz dans une sorte d'épicerie, et... se supporter les uns les autres...

Cette expédition à deux et cette vie dans la nature, puis l'installation avec les oncles, tantes et cousins peut faire naître de multiples explications chez le lecteur ou la lectrice ; chacun, chacune comprendra à sa façon la longue traversée de la grande forêt, les rencontres avec les animaux et les arbres, la vie en famille, les rôles différents qu'on peut y jouer.
Un beau roman sur ce que pourrait être le "monde d'après", quand les êtres humains devront sans doute se rapprocher de la nature et nouer entre eux des relations nouvelles.

 

1 avril 2024

"Feria" de Ana Iris Simón * * * * (Ed. Globe ; 2020, 2023 en français)

"Feria" est un récit plein de vie et de joie, de souvenirs d'enfance, d'amour familial, d'anecdotes et d'expressions amusantes...
D'après Manuel Vilas, écrivain et poète espagnol qui signe la préface, il s'agit ici d'un roman autobiographique, dont l'autrice est l'héroïne ; c'est un roman d'apprentissage pour lequel la protagoniste puise dans l'exemple des siens, sa famille, pour avancer. (p 11)

Le livre commence commence par : " J'envie l'existence qu'avaient mes parents à mon âge."
Ana Iris Simón signale d'une façon amusante que si elle est plus libre, a voyagé et a eu la chance de faire des études universitaires - " se taper une année à manger des Doritos et à copuler dans tous les sens à Bruxelles grâce à ce bidule qu'on appelle Erasmus..." (p 21), elle n'a pas d'enfant, n'est pas propriétaire, et dans l'ensemble elle estime que sa génération vit moins bien que celle de ses parents...

Partant de là, Ana Iris nous raconte son enfance dans une famille chaleureuse : nombreux cousins et cousines, oncles et tantes, parents très aimants et grands-parents présents et attentifs, beaucoup de bonheur malgré la pauvreté. Il y a des fêtes, des mariages, des rites familiaux qui font plaisir, beaucoup de rires ; mais aussi des séparations, des décès douloureux qu'il faut affronter...
D'un côté, les grands-parents maternels, Mari Solo et Gregorio des forains, très croyants, qui vont de férias en férias, de l'autre les grands-parents paternels Mari Cruz et Vicente communistes et républicains, qui ont dû s'exiler en France pendant un temps, la mère Ana Mari, celle qui est comme l'univers parce qu'elle s'étend, le père Javi, né pour être père, son jeune frère, sont toute sa vie d'enfant et d'adolescente
La région où vit cette famille, c'est la Mancha, pays de vents et de moulins, patrie attachante pour tous les protagonistes de l'histoire ; l'absence totale de relief, le vent, Don Quichotte constituent l'identité du peuple qui y habite, selon Ana Iris.

Le plus intéressant et souvent le plus amusant, c'est le regard que pose la petite puis la jeune fille sur l'existence d'une façon générale, mais aussi sur l'Espagne : " C'est quoi l'Espagne ? L'Espagne, je répliquais, c'est précisément cette question. Il n'y avait rien de plus espagnol que de se demander ce qu'était l'Espagne et ce que sont les espagnols..."

Un bouquin très intéressant, original, et fort drôle ; à la fois déclaration d'amour à une terre et à un clan, mais aussi réflexion sur une époque et un pays.

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31 mars 2024

"Proust, roman familial" de Laure Murat * * * (Ed. Robert Laffont ; 2023)

Il faut bien le dire, les cinquante ou soixante premières pages du bouquin ne m'ont pas enthousiasmée... La généalogie de L. Murat, et le fait que Proust ait repris tel ou tel personnage qu'il côtoyait lors de ses sorties dans le monde pour en faire un protagoniste de son récit, n'est pas en soi passionnant, ni les détails familiaux de cette noblesse qui cherche à survivre.

Ce qui l'est beaucoup plus, c'est de retrouver le regard que l'écrivain portait sur les aristocrates : "Dans la danse de l'aristocratie et de cet art de vivre qu'il convient de prendre au pied de la lettre, Proust a trouvé un inépuisable objet de réflexion". (p 22)

Ainsi le récit devient nettement plus attractif lorsque l'autrice décortique quelques textes proustiens, par exemple "les souliers rouges de la duchesse" et nous montre que Marcel Proust - s'il a eu envie à un moment de faire partie de ce monde - n'était pas dupe, en particulier d'une certaine grossièreté, la brutalité vulgaire que montrent le Duc et la Duchesse de Guermantes en retard pour un dîner alors que Swann annonce sa mort prochaine... La bêtise, la vanité, le monde du néant sont dénoncés par Proust, et L. Murat démontre qu'il a mis à nu de façon impitoyable cette noblesse française persistante.

Il y a des passages très intéressants sur les relations de l'autrice avec ses parents - sa mère en particulier - dont on s'effraie que la vie en ait fait des êtres aussi rigides, persuadés de leur supériorité en toute chose, incapables de s'adapter et de comprendre, même un de leurs enfants...
Mais Laure Murat n'a pas respecté les règles et les usages de son monde :
"Mon destin, on me l'a assez répété, était de me marier et d'avoir des enfants. Je n'ai pas d'enfants, je ne suis pas mariée, je vis avec une femme, je suis professeure d'université aux États-Unis, je vote à gauche et je suis féministe. Pour le milieu d'où je viens, c'est excéder de beaucoup le délit de cumul des mandats". (p 14).

Vers la fin du livre, de belles pages sur son père le montrent finalement assez libre et original par rapport aux dictats aristocratiques : " Mon père avait le sens de l'élégance comme celui du jeu et de l'amitié. Je crois n'avoir jamais rencontré quelqu'un qui souffrait autant de la vulgarité - un geste déplacé, une expression ordinaire trahissant une pensée médiocre l'atteignaient comme quelqu'un qui reçoit un coup. Cela n'avait rien à voir avec la classe sociale. Ou plutôt si. Bien des ducs et des grands bourgeois n'étaient pour lui que des ploucs, mot qu'il employait à tout va et à leur destination exclusivement."

Récit autobiographique basé sur "Comment Proust a changé ma vie" par l'éclairage qu'il donne d'un milieu vide et finalement assez pauvre qui est celui d'origine de Laure Murat, et par le rejet des homosexuel.les au début du XXème, rejet dont fut victime l'autrice de la part de sa famille, ce texte assez inégal a le mérite de donner l'envie de relire À la recherche du temps perdu pour y trouver encore plus de plaisir.

 

24 mars 2024

"Nevabacka - Terre des promesses" de Maria Turtschaninoff. * * * * * (Ed. Paulsen ; 2024)

Prix Yle 2022

Une très belle saga familiale venue de Finlande, bâtie autour des existences des habitants successifs d'une grande ferme, qui fut au départ une simple cabane, construite au XVIIème siècle par Matts, un soldat qui reçut les terres de Nevabacka en récompense de ses loyaux services et dont il prit le nom comme il en était alors l'usage. 

Sur quatre siècles, les Nevabacka occupent cet endroit en pleine nature, riche en forêts denses, en sources, en prairies et en marais ; au départ, des croyances tenaces dissuadent les habitants d'aller du côté de la Tourbière Enchantée, on dit même que Matts, le premier des Nevabacka a eu un enfant avec la nymphe qui habite cette tourbière. À ces superstitions, suivront les dogmes de la religion, les désirs d'amélioration des connaissances et d'exploration naturaliste, peut-être aussi malheureusement la convoitise et l'exploitation des ressources...

Tout au long du récit et des générations, des sortes d'interdits se transmettent, comme creuser la tourbière, assécher un marécage, abattre les arbres de la forêt... Le récit des Nevabacka s'ouvre et se termine sur ce thème : l'homme a-t-il le droit d'abimer la nature, en particulier pour répondre à ses besoins ?
Ces zones froides, riches en animaux ours, loups, gloutons, oiseaux de toute sorte, et en végétaux dont les baies nourriront bien des natifs de l'endroit, sont des lieux sacrés, qui doivent être respectés ; il peut même y pousser des plantes inconnues, une certaine orchidée jaune qui traverse le récit...

Certains Nevabacka s'en iront loin, d'autres partiront et reviendront, d'autres enfin passeront toute leur vie là,  incapables de s'éloigner de cet endroit magnifique mais difficile. Il y aura des moments heureux, un quotidien très dépendant des saisons, mais aussi des malheurs, des famines et des épidémies, des guerres ; des histoires d'amour et des vengeances, toute une série d'existences, de personnages attachants que l'autrice présente soit sous forme narrative, soit au travers de lettres échangées, soit à partir de poèmes en prose.
L'écriture est belle et intéressante, particulièrement suggestive, permettant au lecteur ou à la lectrice de se promener facilement dans les temps et dans les lieux évoqués ; c'est sans doute cette écriture qui permet d'offrir un livre aussi agréable, passionnant, profondément satisfaisant.

Les premières lignes du récit montrent l'arrivée d'une jeune femme dont la mère vient de mourir, et qui veut comprendre pourquoi cette ferme de Nevabacka était autant aimée par cette mère ; elle part alors à la rencontre de l'histoire de ses ancêtres :
Extrait p 13
"La terre d'ici te connaît
Et à présent doit s'habituer à moi
elle me flaire
Je traverse l'histoire
arpente le chemin tracé par mes ancêtres
passe à côté des murets de pierre qu'ils ont construits
des greniers qu'ils ont remplis de foin
des granges qu'ils ont bâties
des champs qu'ils ont cultivés
année après année
les traces de leur vies
se recouvrent
s'effondrent
ensevelies par l'herbe, les broussailles et la mousse...

Nevabacka - Terre des promesses est une histoire de transmission d'une terre de génération en génération, de l'amour et du respect que la majorité des habitants apporteront à ce lieu, ainsi que le récit de vies individuelles et familiales.
Un livre magnifique, foncièrement humain, amoureux d'une nature source de vie, et qui célèbre le respect dû à ce dont on hérite et que l'on transmettra...

19 mars 2024

"À la recherche de soi" de Élodie Milleret * * * * * (Ed. Le lys bleu ; 2024)

J'ai déjà lu des haïkus,  mais je ne suis pas experte ; ce que je livre ici est un ressenti de lectrice qui a des années de découverte de toute sorte de littérature.
J'ai été littéralement emballée, émerveillée, transportée... Un agréable choc...

Les brefs poèmes sont très beaux, suggérant une transformation de soi après une expérience douloureuse, comme en témoigne la dédicace : " À mon ancien moi pour avoir traversé toutes ces tempêtes".

C'est un recueil de poésie dans laquelle on se glisse facilement ; on comprend bien le sujet, on apprécie la façon de sublimer le chagrin, de ne pas trop s'y attarder, de se tourner vers autre chose, plus tard, après...
Une façon d'être en accord avec les saisons, la nature, son soi profond...

Une lecture qui fait énormément de bien !

Ils sont tous beaux ces haïkus, mais il faut bien en choisir un :

Une brise légère
      adoucit l'air du soir
             Solstice d'été

                              embrase la forêt
                                     des racines jusqu'au ciel
                                              le vent lumière

                                                            fidèle à mon essence
                                                                  le long de la berge
                                                                        serpente la rivière

10 mars 2024

"Et vous passerez comme des vents fous" de Clara Arnaud * * * * * (Ed. Actes Sud ; 2023)

Ce livre est un recueil de trois histoires, présentées en chapitres alternés, et qui verront leurs récits se rejoindre :
celle de Jules qui , à la fin du XIXème siècle, va chercher un ourson dans une tanière pendant que la mère est partie s'alimenter, il veut devenir montreur d'ours en Amérique,
celle de Gaspard, de nos jours berger dans les Pyrénées après avoir fait des études à Paris, et dont on comprend qu'il va avoir du mal à remonter en estive à cause d'un grave accident l'été passé,
et enfin celle d'Alma, actuellement éthologue au CNB, Centre National de la Biodiversité, spécialiste du comportement des ours, qui essaie de prévoir et les agissements des animaux, et ceux des humains...

Dès le début le problème est posé : comment concilier le passé, quand les animaux étaient à la disposition des humains qui pouvaient en faire ce qu'ils voulaient, même s'il fallait être courageux pour affronter les grands prédateurs, et le présent où les anti-ours ne veulent pas revenir à une époque ancienne et voir leurs brebis attaquées, mangées, apeurées.

L'écriture est très belle, à la fois précise, poétique, évocatrice  et le propos, scientifiquement juste, explique avec netteté les enjeux ; tout est très bien analysé, approfondi et l'autrice réussit le tour de force de se mettre dans la peau de chacun des protagonistes, de façon à ce que la lectrice ou le lecteur comprenne bien, à travers ce roman, que tout n'est pas blanc ou noir. Pour trouver une solution, un vivre ensemble stable, contenter et les éleveurs et les naturalistes sur du long terme, il faut trouver de nouvelles façons de voir les choses, ne pas laisser la situation s'enkyster...

Alors, sur fond de paysages magnifiques transformés par le changement climatique, la hausse des températures et l'assèchement des terrains, entre les soucis personnels, la peur toujours présente et les collègues compliqués, Alma va beaucoup travailler pour empiler le maximum de données sur la grande ourse qui rôde, la Negra, et Gaspard va essayer de sauver ses bêtes et de se sauver lui-même.

Très beau livre, qui immerge la lectrice, le lecteur, dans la vie des montagnes et dont on se souvient longtemps...

Extrait p 47 : " ... malgré les tensions que sa présence cristallisait, Alma ne pouvait s'empêcher d'être fascinée par cette ourse magnifique, immense, qui semblait toujours avoir un coup d'avance sur les humains, mettant à mal leur volonté de contrôle. Et chaque fois qu'elle arpentait la montagne, une pensée inavouable au comptoir du café lui venait : cette ourse était une reine, elle aimait l'idée de vivre sous son règne."

6 mars 2024

"Avec les fées" de Sylvain Tesson * * * * (Ed. Équateurs ; 2023)

S'asseoir dans son canapé, bien au chaud avec une tasse de thé, et se plonger avec délices dans les pérégrinations de l'auteur et de ses amis sans bouger de chez soi, voilà un très bon moment ! C'est qu'ils bougent, naviguent, marchent, font de la bicyclette, Sylvain, Benoît et Humann...

Extrait p 17 : " J'avais un plan : bivouaquer sur le sol d'un Finisterre, avant de prendre le large. Une nuit de veille, à la fin des terres. Ensuite, je rejoindrais le bord".

En fait, juste voyager, ce n'est pas suffisant pour Sylvain Tesson ; s'il choisit d'être sur la mer, il ne prend pas assez connaissances des terres, et inversement ; il lui faut les deux. Donc dans ce voyage qui l'emmène de l'Espagne à l'Écosse, il fera tout : et naviguer, et marcher, et se déplacer en vélo.

De cap en cap, de couchers en levers de soleil, de quarts en quarts et en longeant le littoral, les voyageurs rêvent, pensent, philosophent et échangent ; Bretagne, Angleterre, Pays de Galles, Irlande et Ecosse seront parcourues sur mer et sur terre, prétextes à de nombreuses références historiques, géographiques et littéraires. Ils sont cultivés ces hommes-là et ce qui ne gâte rien, pleins d'humour, souvent.

Dans le bateau il y a des bouquins et des cartes, plus une table pour manger, boire et discuter ; une vie pleine d'amitiés, qui ménage des moments de solitude, indispensables pour rédiger un texte aussi beau et plein d'esprit que celui-là.

Extrait p 74 : " Aux origines, la vie s'était extirpée de ces creusets pour s'articuler à l'air libre. La paramécie avait eu son heure. Aujourd'hui, c'était le tour de l'homme. On appelle évolution le chemin qui mène de la bactérie au pêcheur breton. Les piétons brouillaient les flaques. Des tracteurs moissonnaient les casiers dans les parcs coquillers. En Bretagne, les rochers se mangent."

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