"La perle et la coquille" de Nadia Hashimi * * * * * (Ed. Milady, 2015)

"La perle et la coquille" est la très belle histoire de deux femmes afghanes, Rahima et Shekiba, deux femmes de la même famille mais vivant à des époques différentes ; c'est Shaima qui raconte à ses cinq nièces l'histoire leur aïeule Shekiba (née en 1890) qui eut un destin hors du commun, et l'une des fillettes aura elle aussi une vie peu banale.
La famille Bardari a donc cinq filles, et, selon la tradition, l'une d'elles peut devenir un garçon ; Rahima a neuf ans quand elle devient Rahim, une "bacha posh". Sa mère lui coupe les cheveux, l'habille en garçon, la petite est ravie : elle peut sortir de la maison et faire les courses réservées aux enfants mâles, elle peut retourner à l'école, jouer au foot etc...
Shekiba, elle, avait eu des frères mais le choléra avait décimé sa famille ; son prénom veut dire "cadeau" et en effet elle passa de famille en famille pour servir de domestique. Brûlée enfant par l'huile bouillante d'une casserole renversée, elle fut une personne à deux visages : très belle d'un côté, monstrueuse de l'autre.

L'auteure raconte donc en parallèle ces deux vies qui, malgré un siècle d'écart, se ressemblent et se font écho parce que ce sont des vies de femmes afghanes, et qu'au fond les choses n'ont pas beaucoup changé ; mais des femmes qui trouvent en elles la force de lutter pour leur liberté et leurs "droits" bien qu'elles n'en aient quasiment pas.
Rahima reste quelques années Rahim, mais il lui faut à treize ans retrouver son sexe d'origine et la dépendance aux hommes qui accompagne ce retour. Son père, qui combat les Talibans avec le seigneur de guerre Abdul Khaliq, est toujours à cours d'argent ; c'est un opiomane et il est empêtré de ses filles, plein de ressentiment envers sa femme incapable de faire un garçon. Il décide alors un jour de marier les plus grandes et Rahima en fait partie alors qu'elle entre juste dans l'adolescence. La mère essaie bien de protéger ses filles mais elle n'a aucun pouvoir, sinon celui de supplier. L'affaire est vite conclue quand le père, le grand-père et les oncles des petites jeunes filles de quinze, quatorze et treize ans voient l'argent apporté pour la dot et entendent la promesse d'avoir toujours de l'opium.
Extrait (p 155) : C'est bien ça qu'il veut, me rendis-je compte. Mon père veut nous marier de force. Un frisson d'effroi parcourut ma colonne à cette idée. Je compris ce que ma mère savait déjà. Les hommes pouvaient faire ce qu'ils voulaient des femmes. Il serait impossible d'arrêter la machine que Padar avait mis en branle."

Après avoir essayé vainement de faire valoir son droit sur la terre de son père et à l'occasion de la visite du roi Habibullah dans leur petite ville, Shekiba avait été offerte au palais ; elle partit pour Kaboul et devint garde des femmes du roi ; elle aussi portait un costume masculin et les cheveux courts et à sa suite, nous pénétrons dans un harem, lieu de vie, d'entraide et d'amitié mais aussi de jalousies et de violences. Après une terrible affaire d'adultère et de femme lapidée, elle est mariée et en voyant la reine Soraya faire un discours et enlever son tchador, elle a pu espérer que ses filles auraient une vie meilleure.

Rahima connaîtra une vie de quatrième épouse soumise à une belle-mère odieuse, beaucoup de ces femmes plus âgées dirigent en tyrans les maisons et tribus de leurs fils, aura le bonheur d'avoir un enfant et sera même assistante parlementaire ; elle connaîtra beaucoup de difficultés et de douleurs avant de réussir à s'extirper, à s'échapper de sa terrible destinée...

Un très très beau livre, passionnant par la beauté des histoires racontées et par tout ce qu'on peut y apprendre sur l'Afghanistan ; des destins inoubliables de femmes qui se battent avec un courage qu'on ne peut qu'admirer.

Merci à Babelio (Masse critique) et aux éditions Milady pour cette superbe découverte.

Comments

[Anne Sophie]

J'avais très envie de le découvrir et tu me donnes encore plus envie de passer à l'acte. Merci :)