"Un goût de cannelle et d'espoir" de Sarah McCoy * * * (Ed. Pocket, 2015 ; première édition 2012)

Un livre en deux temps et deux lieux : Garmisch, Allemagne, 1944-1945 et El Paso, Texas, 2007-2008, présentés en chapitres alternés ; c'est l'histoire d'une même femme prénommée Elsie, mais à deux périodes très différentes de sa vie, séparées par une soixantaine d'années.
Elsie est née dans une famille allemande "normale" et elle a seize ans en 1944 ; alors que tous autour d'elle respectent Hitler et se dévouent pour "le bien de la nation", elle est demandée en mariage par un ami de la famille, un officier SS, un homme bon pense-t-elle. Un soir cependant elle choisit de porter secours à un petit garçon juif qui l'a suivie et qu'elle va cacher à l'insu de tous.
La deuxième partie du récit part d'une jeune journaliste américaine, Reba Adams, un peu perdue dans sa vie - elle a eu un père très dépressif et alcoolique mort jeune ; pour faire un papier sur les traditions d'origine étrangère à l'occasion de Noël, elle veut interviewer Elsie Meriwether qui tient une boulangerie pâtisserie allemande avec sa fille Jane ; Reba est plus ou moins fiancée à Riki, un garde-frontière dont les parents étaient d'origine mexicaine.
Pour Elsie âgée, c'est donnant - donnant : elle veut bien raconter son histoire à Reba, à condition que Reba lui raconte la sienne ; elles deviennent très amies toutes les trois, Reba, Elsie et Jane.
Et vers la fin du premier tiers du livre, quand on se dit que l'histoire est intéressante et bien écrite mais peut être un peu banale, retournement de situation dont on ne peut rien dire ici mais qui laisse entendre que les choses sont bien moins simples qu'il n'y paraît.

Sur fond d'odeurs de pain chaud, de lebkuchen et de brötchen (dont les recettes sont à la fin du livre) une belle histoire, émouvante et très humaine sur les allemands et leurs différentes prises de position pendant la guerre, le problème très actuel des frontières et des migrants, et des questions importantes comme le fait de savoir si dans la vie, on se laisse porter par l'environnement et les idées en vogue ou si on peut vraiment imprimer sa marque, essayer de savoir ce qui est bien ou mal et se comporter en conséquence ? Est-il possible d'agir contre ce que l'on sait être le bien par obéissance ou parce que c'est son job ?

L'auteur réussit le tour de force de rappeler et de soutenir des valeurs importantes mais aussi d'expliquer sans juger, de créer des personnages qui ne sont pas caricaturaux, et de montrer que dans tous les camps il y a des mauvais et des hommes de bonne volonté.

Premières phrases : " Garmish, Allemagne  Juillet 1945   Bien longtemps après que le fourneau d'en bas avait refroidi et que celui d'en haut avait chauffé, que tout le monde s'était blotti dans les draps en coton, elle sortit délicatement les pieds de son couvre-lit fin et s'avança sans bruit dans la pénombre. Elle ne mit pas ses chaussons de peur que leur claquement ne réveille son mari endormi. Elle s'arrêta un instant devant la chambre des filles, la main sur la poignée, et tendit l'oreille. Un léger ronflement lui parvint, sur lequel elle accorda sa respiration. Si seulement elle pouvait arrêter les saisons, oublier le passé et le présent, pousser la porte et se glisser à côté d'elles comme avant. Mais elle était incapable d'oublier."