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Les 2 bouquineuses ont aimé
8 juin 2016

"Les portes de Damas" de Lieve Joris * * * * (Ed. Babel ; 1994, 2015)

portes_DamasComment savoir ce qui se passe à l'intérieur des maisons, dans un pays comme la Syrie ? Aller vivre au milieu des gens, à Damas, et passer le quotidien avec eux pendant quelques mois ; il n'y a rien de mieux pour comprendre et apprendre.
C'est ce qu'a fait la narratrice qui nous livre l'histoire, passionnante et émouvante, de Hala et de sa fille Asma ; c'est donc l'amie européenne de Hala qui revient la voir et qui raconte, Ahmed leur mari et père prisonnier politique communiste pour des années, le reste de la famille très nombreuse, leur vie damascène, les problèmes de la Syrie. On est après la première guerre du Golfe, dans les années 90, sous le régime très autoritaire de Hafez al-Assad, le père de l'actuel président, Bachar al-Assad. La famille Assad est d'origine Alaouite, une branche du Chiisme ; les Alaouites sont un peuple des montagnes, minoritaire en Syrie, où les Sunnites sont de loin les plus nombreux.
L'auteure découvre chez son amie une vie de famille chaleureuse mais tiraillée : Hala a une soeur plus jeune, Shirin, qui est amoureuse d'un Alaouite, et un frère Salim, qui vit à Doha au Qatar pour "y faire de l'argent", et qui va se marier avec une baathiste (du parti politique Baas).
Hala pense que son frère est influencé par les moeurs du Qatar,  il n'apprécie pas que sa nièce Asma joue au foot dehors avec de jeunes garçons ni que ses tenues soient peu discrètes.
Extrait : "Qui sommes-nous en train d'introduire dans notre famille, une baathiste et un Alaouite ! Si mon père l'apprenait, il se retournerait dans sa tombe." (p 166)

Tout au long du livre il est question d'une éventuelle libération de prisonniers politiques, comme Ahmed ; peut être à l'occasion de l'élection - truquée - d'Hafez al-Assad. Le gouvernement n'a jamais reconnu l'existence de ces prisonniers politiques qui ont passé de longues années enfermés à cause de leurs idées et qui seront libérés au compte-gouttes.
Le monde extérieur est si peu fiable que chacun se retire dans le cocon familial ; l'omniprésence des agents des mukhabarat (services secrets) crée une atmosphère de peur, de crainte qu'une conversation soit écoutée, de méfiance vis à vis de l'autre. D'où une vie presqu'en huis clos, un peu étouffante. Aussi l'auteure se rend dans différentes villes, dont la très ancienne Alep, ainsi qu'à Tadmur, à Palmyre, et dans le désert, et nous donne alors des visions différentes de ce pays très complexe.

Une immersion intense et très intéressante dans la Syrie d'il y a vingt-cinq ans et qui éclaire les troubles actuels et leurs terribles répercussions.

Extraits : "Le grand monstre qui nous gouverne a fait de chacun de nous un petit monstre. Mais après un moment, elle semble se raviser : ma vision est peut être fausse, ce sont peut-être tous ces petits monstres qui ont engendré le grand monstre." (p 117)

"Bien que nos vies aient pris un cours différent, bien que je me sois souvent heurtée aux limites de notre amitié, Hala fera toujours partie de moi. Dans notre jeunesse, nous nous sommes toutes deux révoltées contre le monde dans lequel nous grandissions. J'ai été récompensée de ma rébellion, elle en a été punie. Ma société a fait de la place pour moi, la sienne l'a forcée de plus en plus dans ses retranchements..." (p 374)



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