"Le plongeur" de Stéphane Larue * * * * (Ed. Le Quartanier, Points ; 2016, 2017)

Prix des Libraires du Québec 2017
Prix Senghor 2017
Prix des lecteurs et prix des lycéens de Vincennes 2018

On ne peut que constater la très grande richesse de la littérature québecoise ; ill y a toujours de bons auteurs et de bons bouquins à découvrir dans la production de "La Belle Province", qui en fait ne compte guère plus de huit millions d'habitants.

Avez-vous déjà travaillé dans un restaurant ? Fait la vaisselle des cuisiniers et des clients ? Participé à cette ambiance surexitée au moment des repas ?
Eh bien là, vous y êtes en direct...
Le jeune homme, Stéphane,  qui raconte son histoire est un montréalais originaire de Trois-Rivières, créatif et très doué pour le dessin, mais qui a une addiction quasi-incurable pour les machines à sous qui se trouvent encore dans certains bars ; il a constamment besoin d'argent et est amené à se conduire comme il aimerait ne pas le faire. Il embauche dans une trattoria pour y nettoyer assiettes et poëlons gras, mais lâche peu à peu ses études de graphisme...
Stéphane se trouve à ce moment délicat de l'existence, entre adolescence et âge adulte ; il nous livre ici une tranche de sa vie au cours de laquelle il doit régler son problème de dépendance.
C'est toute une époque assez récente et toute une vie nocturne de Montréal qui sert de cadre à son récit. Un récit dans lequel Stéphane lutte mais retombe plusieurs fois... ça prend aux tripes son histoire et on se demande s'il va s'en sortir et comment ça va finir...

Il reçoit des messages du genre : " Câlisse, tu vas-tu finir par retourner tes appels ? Ça fait depuis mille ans que tu me dois trois mois de loyer pis tu vas me les payer. T'as disparu où, sacrament ? T'es mieux de donner signe de vie, sinon..." d'un ancien colocataire ; très conscient de décevoir son entourage et sa famille, son récit montre de l'intérieur l'enfer d'une addiction et la honte ressentie.
Fan de musique, c'est un métalleux qui écoute Maiden, Metallica, Motörhead ; il se nourrit aussi de BD et de Science Fiction. C'est un gars intéressant, honnête au fond, et heureusement il a un cousin et quelques chums qui veillent sur lui, dont Bébert, ami d'enfance, alcoolique et souvent drogué, qui connaît les dangers des petites embrouilles et tente de le préserver.

C'est un roman assez noir, à l'écriture nerveuse, employant la langue parlée de Montréal très imagée, avec un peu de vieux français, un peu d'anglais, des formules bien québecoises, tout n'est pas toujours simple à comprendre ; mais c'est ce qui fait tout le charme et la réalité de l'histoire, qui fait ressentir ce que le jeu provoque : "les frissons électriques m'ont monté des chevilles jusqu'à la nuque", ou l'effet des shooters de vodka.

Extrait (p 33) : " J'ai sorti le bout de papier sur lequel Dave avait griffonné l'adresse du resto. Dave, c'était un ami du cégep. Il voulait se débarrasser de sa job, qu'il haïssait, et j'avais absolument besoin de gagner de l'argent au plus vite. J'étais à la recherche d'un travail depuis deux semaines, mais je n'avais rien trouvé. J'avais séché des cours pour aller à des entrevues. J'avais épluché la section emplois du journal Métro. J'avais sacrifié des avant-midi d'étude pour faire des essais désâmants dans un bureau sinistre de télémarketing. Je m'étais gelé les pieds tous les soirs de novembre, sous la pluie froide, à faire du porte-à-porte dans le labyrinthe banlieusard du West Island, sans jamais arriver à vendre un seul système d'alarme. Mon employeur saisonnier n'avait plus de job pour moi. Il m'avait remplacé par un gars qui avait ses cartes."