"Un chien à ma table" de Claudie Hunzinger * * * * * ( Ed. Grasset ; 2022)

Il est tout à la fois ce livre : plein d'humour et d'espoir, de joie et de partage, d'émerveillement, mais aussi de tristesse et d'inquiétude... Sans doute un récit à l'image du temps actuel. 

L'autrice se glisse dans la peau d'une Femme-Nature, une femme qui n'est pas bien sûre d'appartenir à l'espèce humaine ; elle est parfois tellement décourageante et inconsciente cette espèce-là !
Avec son Grieg de compagnon - ils se connaissent depuis l'école et ont maintenant dans les quatre-vingts ans - ils appartiennent à ces gens qui s'inquiètent beaucoup pour l'avenir de la planète Terre et pour ses habitants, végétaux et  animaux en tête.
Ce sont des nomades ces deux-là, changeant régulièrement de maison, partant à la découverte d'autres prairies, d'autres montagnes, d'autres lieux de vie et de promenade. De temps en temps, ils investissent donc un nouvel endroit, lui restant dedans, plongé dans ses livres, elle le plus souvent dehors, observant la beauté du monde, mais se méfiant un peu de ses semblables. Ils sont très sympathiques tous les deux, si différents et cependant si proches.

Dans un récit plein de réflexions philosophiques et de naïveté, Sophie, la narratrice raconte leur éloignement du genre humain, leur amour de la lecture et de l'écriture pour elle qui se dit écri-vaine ; l'écriture et le ton sont inusités, marquants, et si le rapport à la Nature est très présent, un autre thème soutend le récit : le fait de vieillir, d'accepter ou pas d'avoir un corps "déglingué" par l'âge, d'avoir des souvenirs plutôt qu'un avenir...

L'histoire commence ainsi : un jour, après une longue période sans compagnon canin, une petite chienne apeurée mais déterminée et qui a visiblement été maltraitée, apparaît sur le pas de la porte de Sophie et Grieg ; ce sera une fête, une joie pour tous les trois, qui vivront un amour commun, familial, intense.
Ce que C. Hunzinger rend parfaitement, c'est le bonheur profond qu'apporte la vie avec un animal, si proche, si aimant et en même temps autre, à retrouver et découvrir chaque jour ; un sentiment de plénitude est apporté par la jeune "Yes", ainsi qu'un sentiment de crainte...

L'ensemble laisse l'impression d'un beau livre, très bien écrit, sensible et original, mais aussi un peu attristant...

Extrait : " ... Pourquoi je ressens pour les choses qui vivent et respirent autour de moi une telle appartenance. Pas une seule fois, face à une bête, j'aime le mot bête, je n'ai perçu l'altérité radicale, cette rupture, cet abîme de différence, ce goufre dont parle les hommes, même les plus cultivés, les plus intelligents, les plus soucieux du monde animal. Jamais.
Face au monde animal, je me sens du même bord. Et très rassurée de l'être." p 60

ET ça, ça nous parle !