"Eloge de la faiblesse" de Alexandre Jollien * * * *

Commentaire après la première lecture (mars 2011) :

C'est le premier livre d'Alexandre Jollien, il a 23 ans et après une école de commerce, étudie la philosophie à l'université ; lourdement handicapé de naissance, il a passé 17 ans dans un centre. Sous forme de dialogue avec Socrate, et suivant son "Connais-toi toi-même", il parle de ces 17 ans d'institution spécialisée, les liens très forts avec ses "camarades d'infortune", le soutien qu'ils s'apportaient mutuellement, les "bons et les mauvais" éducateurs, puis de l'adaptation forcément difficile au cadre scolaire officiel et de la douleur, souvent mais pas toujours, face au regard des autres. Il raconte sa découverte de la philosophie, tout ce qu'elle lui a apporté en capacité de réflexion, et le livre se termine sur un essai, bien évidemment infructueux, de définition de la normalité...

Alexandre Jollien est constamment dans le "dépassement de soi" ; obstiné, très courageux, toujours tourné vers l'autre, il nous dit que "la faiblesse permet d'apprécier le cadeau de la présence de l'autre".

Commentaire après la re-lecture (avril 2020)

Pourquoi est-il intéressant de relire un bouquin qui nous a plu ? Parce que le(a) lecteur(trice) a changé en presque 10 ans, et que le statut et les écrits de l'auteur se sont étoffés ; celui ou celle qui consacre une partie de son temps à la lecture évolue forcément dans sa vie, en partie du fait de ses lectures. Mais l'écrivain change également, Alexandre Jollien est devenu un philosophe connu et réputé, il a écrit d'autres livres, a fait des conférences - en particulier avec ses amis Matthieu Ricard et Christophe André - s'est inévitablement transformé et il est intéressant d'aller revoir ses débuts.

Alors, que modifier à la première "critique", celle de mars 2011 : D'abord, revenir sur l'importance de la confiance en soi et en la vie, et sur la puissance de l'amitié ; les relations avec l'autre sont à la base de ce petit texte ; le besoin de reconnaissance, la différence qui trouble et décontenance l'homme "dans son souci de perfection", mais aussi le travail sur soi pour gagner une indépendance affective, une liberté intérieure.

Ensuite, choisir un extrait pour que le futur lecteur se fasse une idée du style, de l'écriture, de la façon de communiquer ; " Souvent, on s'interroge sur la définition de la sagesse. Il faut être prudent, surtout ne pas tomber dans le cliché. J'ignore à peu près tout de ce concept de sagesse. J'avancerais toutefois que pour moi, être sage exige de connaître, de "faire avec" ses possibilités et ses faiblesses, de gérer sa réalité. Pour y parvenir, il faut un long apprentissage." (p 59)

Un grand bonheur, ce livre, à lire et à relire pour ce qu'il nous enseigne et qui est intemporel...