"La petite communiste qui ne souriait jamais" de Lola Lafon * * *

Pendant quelques années, une petite gymnaste roumaine a fasciné le monde du sport et des jeux olympiques : Nadia Comaneci a 14 ans aux jeux de Montréal (1976) quand sa prestation - parfaite - lui vaut le premier 10 de l'histoire. Lola Lafon construit un beau roman, très bien écrit, sur la vie - imaginée, reconstituée - de cette jeune athlète venue d'un pays communiste, qui apparaît si sérieuse, si imperturbable et en même temps terriblement enfantine ; c'est aussi un dialogue - lui aussi imaginé - qui montre une occidentale face à une roumaine défendant son pays et tout ce qui a pu être dit sur les sportives d'Europe de l'Est. Le récit retrace l'enfance de Nadia, son travail acharné ainsi que celui de son entraîneur Béla ; il décrit le monde des compétitions sportives, des entraînements ; ces corps d'enfants qu'on assouplit et qu'on affame...  ainsi que l'irruption des problèmes politiques, particulièrement dans la concurence avec les russes ; et la catastrophe que la puberté représente pour ces très jeunes filles. Dans la relation fictive que l'auteure entretient avec la gymnaste, celle-ci semble agacée par des commentaires tels "... vous avez contribué à la fabrication de votre image. A travers vous, le pouvoir faisait la promotion d'un système". Elle répond alors:"... bien entendu, les Roumains vendaient le communisme. En revanche les athlètes français ou américains, aujourd'hui ne représentent aucun système, n'est-ce pas, aucune marque !!". Donc si clairement l'un des buts de ce livre est une lutte contre la caricature de ce qui s'est passé en Roumanie, il n'en reste pas moins vrai qu'il présente une dénonciation terrible de cette époque communiste où chacun était surveillé jusqu'à l'absurde et où les restrictions étaient monstrueuses. Un livre très intéressant, qui permet, à travers le destin d'une femme, de revenir sur des années et un pays ressentis de façon ambivalentes.

Premières phrases : "Quel âge a-t-elle, demande la juge principale, incrédule, à l'entraîneur. Ce chiffre, quatorze, lui donne un frisson. Ce que la petite a effectué à l'instant dézingue le déroulement des chiffres, des mots et des images. Il ne s'agit plus de ce que l'on comprend. On ne saurait noter ce qui vient d'advenir. Elle jette la pesanteur par-dessus son épaule, son corps frêle se fait de la place dans l'atmosphère pour s'y lover."

Comments

[Catherine]

J'ai beaucoup aimé ce livre. L'auteure imagine Nadia avec un caractère hors du commun et faisant le choix , toute jeune,d'une vie hors norme. En arrière plan, la vie dans un pays communiste racontée par une française qui y vivait, donc de façon nuancée. Lolo Lafond parle aussi de la difficulté pour cette fillette de voir son corps devenir femme et être ' rejetée ' par le milieu du sport.