"D'ailleurs,les poissons n'ont pas de pieds" de Jon Kalman Stefansson * * * * * (Ed. Gallimard, 2015)

Magnifique ! Superbe !
Cette "chronique familiale" couvre trois générations et dès les premières lignes on retrouve l'écriture, très belle, et au rythme si particulier de l'auteur islandais de la trilogie : "Entre ciel et terre", "La tristesse des anges" et "Le coeur de l'homme" ; il nous emmène encore une fois dans son pays de froid et de neige et surtout au coeur de ses réflexions sur l'être humain : L'existence de Dieu, la complexité de l'homme, l'insatisfaction, l'importance de la poésie et de la musique, l'impossibilité souvent de comprendre vraiment ce qu'on a sous les yeux ...

Le narrateur nous parle de son cousin, Ari, poète et éditeur avec lequel il est comme les deux doigts de la main ; ils ont passé ensemble leur jeunesse dans la petite ville de Keflavik qui était alors un port de pêche et une base américaine ; mais les "Amerloques" sont partis et la ville a perdu son quota de pêche. C'est là pourtant que Ari revient, après avoir passé deux ans à Copenhague ; il avait brusquement quitté femme et enfants, très perturbé, "avant d'étouffer" disait-il. Maintenant il est de retour car il a reçu de son père mourant une vieille photo qui montre ses parents très heureux ensemble - sans lui -, et un cadre contenant le diplôme d'honneur de son grand-père Oddur, un marin exceptionnel. Les retrouvailles se déroulent sur une seule journée mais tous les souvenirs qui l'assaillent couvrent au moins trois générations ; il y a en particulier l'histoire d'Oddur et celle de Margret, les grands parents d'Ari et du narrateur, mais aussi celle de leurs parents et de leurs enfants ... Des vies de pêcheurs et de leurs femmes, tous fiers, forts et courageux, dans ce petit pays qui veut réussir seul mais qui possède un climat pour le moins inhospitalier.

J. K. Stefansson a une façon de parler de la vie, des choses importantes de l'existence humaine très originale, profonde et poétique : "Ce qui nous empêche de nous désagréger" écrivait Ari il y a quelques années..., "de tomber en morceaux, de nous transformer en malheur, en plaie suintante ou en pure cruauté, c'est la poésie, la musique : l'Art". (p 76)
"Un jour, cette pensée ne manquera pas de nous envahir : dans quel but ai-je vécu ? Pourquoi suis-je ici ?" (p119)
"Pourquoi ne suffit-il pas d'être aimé, de quoi d'autre avons-nous besoin, pourquoi l'amour ne guérit-il pas les blessures ou ne les rend-il pas un peu plus supportables, comment pouvons-nous détruire ce qu'il y a de plus important ... ?"

Une littérature splendide, originale et enthousiasmante ! On ne peut qu'envier la chance de ceux qui n'ont pas encore lu les écrits de J. K. Stefansson, ils vont faire une fabuleuse découverte !

Comments

[claire jeanne]

Oui, c'est vraiment un très beau livre !

[catherine]

Ecriture poetique. On se laisse envouter, on entend la mer. Une grande humanité. L'auteur est en empathie avec ses personnages aux vies difficiles. De tres belles phrases sur le bonheur et l usure de la vie.

Un grand livre