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Les 2 bouquineuses ont aimé
28 août 2015

"Les âmes mortes" de Nicolas Gogol * * * * (Ed. Folio classique ; première édition 1842)

ames_mortesLes "âmes" dans la Russie féodale du XIXème siècle, ce sont les serfs mâles ; un propriétaire terrien possédait un certain nombre de serfs donc d'âmes au moment du recensement et il payait un impôt en fonction de ce nombre ; mais entre deux comptages souvent espacés de nombreuses années, des serfs mourraient et le propriétaire continuait de payer la taxe, la capitation, pour eux, comme s'ils étaient encore vivants.
Ce sujet c'est Pouchkine qui l'a confié à Gogol, persuadé que celui-ci saurait le faire fructifier : l'idée était d'écrire les aventures, heurs et malheurs d'un personnage peu scupuleux, Tchitchikov, qui veut acheter à des propriétaires des "âmes mortes", donc des noms de serfs morts depuis le dernier recensement. Il pourra ainsi s'enrichir car il peut acheter un peu de terre, y placer ses serfs fictifs et obtenir de l'argent en hypothéquant le tout.
Tout se passe à peu près bien selon ses projets, Tchitchikov arrive dans la ville de N..., et se lie d'amitié avec tout ce que la ville compte de notables ; il achète alors ses âmes mortes sans révéler ce qu'il va en faire jusqu'à ce qu'à une réception un des propriétaires, ivre, parle de cet achat d'âmes mortes et Tchitchikov est alors regardé avec suspicion, c'est le début de sa chute ; les hommes, censés être le sexe intelligent, se conduisent sottement, les femmes ne sont bonnes qu'à faire circuler des rumeurs sans vraiment de fondement et tous n'ont aucun bon sens, c'est ce que décrit Gogol avec beaucoup de malice.

Alors pourquoi lire - ou relire - l'écrivain russe du XIXème siècle, Nicolas Gogol ?

Parce que ce qu'il écrit est très intéressant, c'est une peinture précise de la société russe des années 1820 et une étude de caractères humains universelle et intemporelle :
Quand il s'adresse à une vieille femme rétive à son projet, Nastassia Pétrovna Korobotchka, l'auteur en profite pour faire cet aparté : "des gens fort respectables, des hommes d'Etat se conduisent tout comme Mme Korobotchka. Se sont-ils mis quelque chose en tête, impossible de les en faire démordre ! Vous avez beau accumuler les arguments, tous clairs comme le jour, ils y opposent la résistance obstinée d'un mur qui renvoie une balle de caoutchouc." (p 71)
Un peu plus loin, Tchitchikov est en compagnie d'autres propriétaires : "Le blond appartenait à la catégorie des pseudovolontaires. A peine ouvrez-vous la bouche que les gens de cette sorte sont prêts à discuter ; vous ne croiriez jamais qu'ils puissent admettre une idée contraire aux leurs, traiter un sot d'homme d'esprit, emboîter le pas à qui que ce soit ; mais finalement, ils admettent ce qu'ils ont repoussé, traitent un sot d'homme d'esprit, emboîtent le pas au premier venu, en un mot taillent bien, mais cousent mal." (p 89)

Parce que c'est vraiment drôle : on ne peut tout citer mais l'écriture est toujours teintée d'humour : il y a des pages très amusantes dans lesquelles on voit Tchitchikov marchander âprement ses morts avec le propriétaire terrien Sobakévitch ; les moujiks dont Tchitchikov fait la liste ont souvent des surnoms amusants : Piotr Savéliev Mets-les-pieds-dans-le-plat, ou Grigori Va-toujours-et-tu-n'arriveras-pas par exemple ...

Et parce que régulièrement l'auteur prend son lecteur à témoin, il interrompt son récit pour dire ce qu'il pense à celui qui le lit ; cela fait des pauses dans un texte assez dense et permet à Gogol de s'assurer que son lecteur est bien de son côté, une façon de se "le mettre dans la poche".

Enfin plein d'autres "trouvailles" peuvent être faites dans ce texte qui est un grand classique russe, à lire ou à relire avec beaucoup de plaisir !

 

 

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Commentaires
C
Oh oui, c'est bien ! Et là on se relit "Anna Karénine", le début est très enthousiasmant !
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B
Merci pour la critique. Etrange coïncidence, je l'ai lu (ou relu ?) l'année dernière. Noir, fantasmagorique, et critique, de la pure littérature russe. Je ne savais pas qu'il existait une édition avec dessins de Chagall, je vais tenter de la trouver ! <br /> <br /> Du même auteur, le "Journal d'un fou" c'est pas mal non plus.
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D
j'ai lu ce livre il y a quelques mois dans une édition superbe agrémentée de dessins de Chagall ! un vrai bonheur en effet, on rit parfois un peu jaune, c'est grinçant à souhait <br /> <br /> magnifique
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