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Les 2 bouquineuses ont aimé
29 mars 2018

"Rêves arctiques" de Barry Lopez * * * * * (Ed. Gallmeister ; première publication 1986)

41Pb6jC6ITLNational Book Award 1986

C'est une immersion totale et magnifique dans la région arctique, ses animaux, ses hommes, ses conditions climatiques ; ensemble d'histoires, de réflexions, de ressentis, le tout raconté par un homme intelligent, sensible et fou amoureux de la Nature.

Tout commence par une description étonnement prenante des boeufs musqués, de leurs comportements et de leurs arrangements sociaux ; chaque chapitre correspond à un lieu et à un animal ; mais l'auteur ne se contente pas de décrire l'animal et son comportement ; il y a aussi le comportement de l'Homme (souvent Esquimau) en sa présence et la part qu'il prend dans les légendes.
La partie sur l'ours polaire est remarquable : la beauté de cet animal perspicace et habile, mais aussi la féroce bêtise de certains hommes, évidemment, et ce, depuis longtemps. Des problèmes dus au développement industriel gènent la répartition des phoques et donc de leurs prédateurs, les ours blancs.
L'auteur se questionne - nous questionne - également par rapport à l'activité scientifique de recherche : il est gêné de ce qu' on peut s'autoriser au nom de la Science : poursuite, capture, marquage, suivi, comme une intolérable immiscion dans l'intimité des animaux.

Dans le chapitre sur les migrations, Barry Lopez après avoir parlé des oiseaux, des baleines et des caribous, en vient naturellement aux migrations humaines et en particulier au peuplement de l'Amérique du Nord depuis au moins 14 000 ans ; des cartes, des données archéologiques et ethnographiques viennent en appui de ses explications suivantes et passionnantes sur les différentes cultures esquimaudes. Par exemple, parmi de nombreuses tribus, il y avait celle des Sadlermiuts de l'île Southampton au nord de la Baie d'Hudson ; ils sont tous mort d'une épidémie apportée par un baleinier écossais. " Les Saldermiuts offraient une façon de comprendre l'île Southampton. Quand on réflechit à la dureté du pays et que l'on voit avec quel succès ils s'y étaient adaptés, on est forcé de conclure qu'avec leur disparition nous avons perdu une partie de la philosophie de la vie. Nous ne pouvons plus prendre un de leurs objets, demander "Pourquoi avez-vous fait ceci ?", ni "à quoi est-ce que ça sert ?" et espérer recueillir une réponse... une réponse qui ouvrirait les profondeurs intemporelles de l'esprit humain, qui effacerait des siècles de distance et transcenderait l'objet quotidien."

Ce sont des impressions éprouvées et des réflexions faites sur place que nous livre l'auteur : dans une langue parfaite pour exprimer les sons, les couleurs, la beauté des mouvements, les ressentis humains et décrire les paysages magnifiques ou monotones.
Extrait p 182 : " Pourtant, pendant quelques jours, à la périphérie des troupeaux d'oies, je n'eus pas l'impression d'être un intrus. Je ressentais le calme que les oiseaux apportent aux hommes ; apaisé, je percevais ici les contours des plus anciens mystères de la nature : l'étendue de l'espace, la lumière qui tombe des cieux, le passé coulant dans le présent comme une eau et s'y accumulant."

 De la terreur ressenti par les marins des baleiniers quand les blocs se resserraient sur leur bateau en chêne au XIXème siècle au moment de la prise des glaces, à la difficulté qu'a le peintre à représenter l'air de l'Arctique, de la magnificence des aurores boréales au perlerorneq (dépression) des esquimaux pendant le trop long hiver, des motivations des explorateurs de l'Arctique à l'idée que la langue hopi (une des nombreuses langues amérindiennes) "ne fait pas référence au temps comme entité distincte de l'espace", Barry Lopez nous parle de ses multiples expériences et nous entraîne avec lui dans une région riche, souvent bouleversante mais très dure pour les Hommes.

Ce n'est absolument pas un livre triste se désolant sur la disparition de telle espèce ou de tel peuple ; au contraire, s'il nous informe et nous prévient de ce qui pourrait bien arriver, il nous rappelle de façon enthousiasmante à quel point la Terre et la Vie sur la Terre sont belles...

Science, Poésie, Humanité sont les trois mots clés de ce livre absolument superbe !

"La nature est comme la poésie : sa cohérence est inexplicable, sa signification transcendante, et elle a le pouvoir d'exalter la valeur de la vie humaine." (p 305)

 

 

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Commentaires
C
Je me suis régalée ! Littérature et Sciences, c'est une lecture inoubliable !
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D
comme je suis heureuse de voir réapparaitre ce livre sur les blogs<br /> <br /> indisponibles pendant plusieurs années cette réédition l'a remis sur le devant et c'est parfait car il n'a pas pris une ride<br /> <br /> livre prémonitoire s'il en est
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