"La commode aux tiroirs de couleurs" de olivia Ruiz * * * * (Ed. JC Lattès ; 2020)

Ouf... Mais quelle histoire ! Le.a lecteur.trice en sort tout essouflé.e mais très satisfait.e : un récit qu'il.elle a lu d'une traite, bien rond, construit exactement selon la volonté de l'auteure. Toutes les questions qu'il.elle se pose trouveront leur réponse en temps et en heure, seulement quand O. Ruiz l'aura décidé...

Tout commence par l'exil, la fuite de l'espagne, la marche exténuante dans les Pyrénées ; la narratrice (Rita pour cette partie-là) fait partie de ces familles d'origine espagnole, républicaines, qui n'ont eu d'autre choix que de quitter leur pays à la fin des années 30, à la fin de la guerre civile. Véritable amputation dont il sera presqu'impossible de parler...
Puis c'est l'arrivée et l'installation dans le sud de la France, et la vie qui continue pour trois petites filles dont Rita, personnage central du livre, qui ne reverront jamais leurs parents.
Gardant très jalousement une commode aux multiples tiroirs, celle qui est devenue plus tard l'abuela, la grand-mère, a placé dans le meuble des traces de son existence mouvementée ; la transmission à sa petite fille pourra ainsi se faire, même si, de son vivant, elle n'arrivait pas à dire.
La commode-mémoire permettra de connaître tiroir après tiroir, chapitre après chapitre, l'histoire de la famille. Car comment vivre, se construire, si on ne sait pas d'où on vient ?

Histoire de femmes courageuses, se donnant corps et âmes pour les leurs ; des femmes bavardes, enthousiastes, chaleureuses "qui se fatiguent elles-mêmes" mais qui sont le sel de la vie.
Il y a quelques hommes également - il faut bien des amoureux, des pères - qui sont bien présents, qui ont un rôle important, mais pas essentiel dans la parole d'Olivia Ruiz. Elle, ce sont les femmes, leur liberté et leur courage qui la fascinent.
On peut trouver dans ce texte des chagrins énormes comme la perte d'un enfant, et de terribles rigolades comme quand la petite fille va chercher pour son grand-père esseulé une prostituée au grand-coeur ; l'ensemble dégage à la fois une sensation de sérieux et d'important et en même temps un élan et une joie de vivre peu commun !

Extrait (p 178) : " Je veux que ces femmes si différentes, si vivantes, si complexes qui composent ton arbre généalogique puissent t'inspirer et t'aider à savoir qui tu es, le fruit de quels voyages et de quelles passions."