"Les enfants de Venise" de Luca Di Fulvio * * * (Ed. Pocket ; première parution 2017)

Une belle histoire, un peu semblable à celle de Roméo et Juliette : deux très jeunes gens tombent amoureux mais ils proviennent de mondes tellement différents...
Recréant à merveille une Italie du XVI ème siècle et la naissance du premier ghetto vénitien, l'auteur relate des épisodes de vie de nombreux personnages, qui le plus souvent ne font que survivre aux aléas d'existences fragiles.

Un gang d'orphelins voleurs menés par le jeune Mercurio, expert en déguisements, essaie de subsister en arnaquant des riches ; fuyant Rome où ils ont commis trop de méfaits, ils voguent jusqu'à Venise dont la description est somptueuse : les tailleurs de pierres, et autres charpentiers reconstruisent les quartiers frappés par des incendies, les canaux sont encombrés par un intense trafic de galères et de barques, les rues sont pleines d'artisans et de commerçants... et la cité remplie de voleurs, d'escrocs, de prostituées et de mendiants. Le milieu où évoluent les protagonistes est une véritable cour des miracles !

Mercurio aime Giuditta, la fille d'Isacoo, un soi-disant docteur juif et n'a de cesse de la retrouver après qu'elle soit partie avec son père ; et Benedetta, une jeune orpheline du groupe, aime Mercurio... Ce chassé-croisé amoureux se déroule dans une Sérénissime très humaine, belle, sale et violente, où nous croisons un héros militaire, un moine fanatique, un chef de bande au grand coeur, une veuve en mal d'enfant, une magicienne, et tant d'autres qui gravitent autour de Mercurio et Giuditta.

Situations cocasses et personnalités originales, c'est une véritable oeuvre picaresque que nous avons lue ! L'auteur dénonce - en se moquant des faiblesses humaines - l'antisémitisme, la bêtise des riches et leurs mépris des pauvres, l'absence de bonté et de compassion des religieux, les préjugés, l'injustice, la crédulité...

Un beau roman historique et d'aventure, une tragi-comédie peuplée de personnages attachants qui ne se laisseront pas oublier et de rebondissements incroyables, ce gros pavé à la fois instructif, distrayant et humainement riche permet de passer un très bon moment de lecture.

Premières phrases : " Le chariot des ordures, le "char à merde", comme on l'appelait dans le quartier de l'Angelo, passait une fois par semaine, le lundi. Ce lundi-là, après cinq jours de pluie ininterrompue, il peinait à avancer dans l'espace étroit di vico della Pescheria, et par moments, les moyeux des roues frottaient contre les murs des maisons. Les cinq forçats enchaînés aux brancards, de la boue jusqu'aux chevilles, ahanaient pour tirer les roues hors des trous où elles s'embourbaient. Leurs chausses de mauvaise laine, lourdes et trouées, étaient crottées jusqu'à l'aine. À l'avant du chariot, deux forçats, enchaînés l'un à l'autre, ramassaient les seaux remplis d'ordures et d'excréments..."