"Le lac de nulle part" de Pete Fromm * * * * * (Ed. Totem Gallmeister ; première parution 2022)

L'humour, omniprésent dès le début du récit, allège cette histoire de retrouvailles d'un père avec ses deux enfants, retrouvailles organisées pour renouer avec le passé, quand leur père les emmenait faire du canoë sur les lacs du Montana.
Cette fois c'est au Canada que ce père, absent depuis des années, entraîne Al la fille et Trig le garçon ; ils ont répondu à son appel, tout en pensant que c'était peut-être un peu tard dans la saison.
C'est un homme plutôt original, le père : prof de mathématiques, il a donné à ses enfants jumeaux des noms des deux branches de math qui sont ses préférées, Algèbre et Trigonométrie...  Mais s'il s'occupait de ses enfants, il n'était pas facile à vivre ; et là, il semblerait qu'il perde un peu la tête, non ? Partir au Canada faire du canoë sur des lacs qui devraient geler dans peu de temps, c'est imprudent ; avoir oublié ses gros sacs étanches et ses cartes, c'est plutôt étonnant également ; mais ce monsieur ne semble pas du genre à admettre qu'il puisse faire des erreurs...

Entre bons souvenirs et évocations plus difficiles, l'aventure commence, et la tension du récit augmente ; c'est passionnant, très bien mené, riche en échanges humains comme en découvertes sauvages ; la complicité entre Al et Trig, leur amour-méfiance de leur père, la nature canadienne immense, fabuleuse, mais qui peut devenir rapidement dangereuse, tout est parfaitement évoqué.
Rien n'est simpliste ici ; toutes les relations sont décrites et analysées finement... Jusqu'à la fin, particulièrement réussie !

Très beau récit, à ne pas manquer... Et meilleur qu'Indian Creek, sans conteste.

Extrait (p 35) : " La plainte du huard s'élève encore et nous immergeons nos pales à l'unisson. À l'ouest, le soleil effleure la cime des pins, l'eau renvoie le flamboiement du couchant, le monde s'embrase, enserré par les ténèbres de la forêt. Bientôt nous accostons une plage près d'un bloc de granit qui s'avance doucement dans l'eau. Qu'on est bien chez soi, dit Papa. Nos canoës crissent sur le sable, les vagues de notre sillage viennent laper la rive."